10 Janvier 2021
Les occasions de négociation se sont accrues considérablement
À l’international, la technologie et le développement des moyens de communication ont rapproché les individus en raccourcissant les distances et en multipliant les occasions de contact. Avec la mondialisation, les occasions de négociation se sont accrues considérablement.
Rendre la négociation intelligible, c’est appréhender le sens que les acteurs donnent à leur activité, c’est saisir leurs perceptions de la situation et d’autrui. Chacun est influencé par sa propre culture avec son opacité, ses ambiguïtés et sa complexité.
Pour un Américain, la négociation est d’abord une procédure d’échange commercial, tandis que pour les Japonais c’est essentiellement une relation entre personnes.
La valeur symbolique des actes fait donc sens. Le négociateur introduit des valeurs et de l’éthique, car la culture fixe la frontière entre les comportements acceptables et ceux qui ne le sont pas.
Il faudra à tous prix éviter les faux-pas: « n’appelez jamais votre interlocuteur chinois par son prénom », « ne prenez pas un Japonais par l’épaule pour lui témoigner votre sympathie »…
La structure de la négociation telle que le cadre juridique ou l’organisation dans laquelle se déroule le processus est essentielle. Dans les négociations commerciales en Chine, le groupe de négociateurs étranger dépasse rarement 3 à 5 personnes, alors que la partie chinoise fait souvent participer 15 à 30 personnes. En Angleterre par exemple, Ils font en sorte de faire participer le même nombre de personnes des deux côtés.
La position hiérarchique, la possession de ressources, le statut, l’âge ont dans certaines sociétés une influence primordiale. Ainsi en Chine ou au Japon, c’est l’acheteur qui a la prééminence. On ne vend pas à la Chine mais c’est la Chine qui achète aux étrangers. Si le vendeur traite son interlocuteur comme un égal, il sera perçu comme ayant une attitude arrogante. En Russie ou aux Etats Unis, on aimera parler d’égale à égale. On traitera avec son équivalent en terme de statut et de titre professionnel.
D’autres dualités s’observent. Les Russes tendent à négocier à partir d’une situation de force qu’ils font sentir par leur comportement, tandis que les Japonais sont extrêmement réticents à s’engager dans une confrontation. Néanmoins, lorsque le lien et la confiance sont créés avec un négociateur russe, la relation devient forte, solide et presque amicale.
Pour donner un exemple connu, lors d’une négociation si un Russe offre un verre ou un café (avec une pointe d’humour, sans que ce soit forcément de la vodka), il serait considéré comme une offense de le refuser.
Les Occidentaux sont préoccupés par l’équité, le respect des règles et des principes. Les Chinois sont beaucoup plus soucieux de maintenir l’harmonie parmi les partenaires de la négociation, de préserver la face de chacun plutôt que de satisfaire des règles et des principes abstraits.
La manière de procéder pour parvenir à un accord est conditionnée par la culture. Ainsi, la culture française ou allemande privilégie la méthode déductive par laquelle on s’entend d’abord sur des principes que l’on applique et ensuite on traite chacun des points à négocier. La culture américaine procède par une approche inductive et avance de façon pragmatique au fur et à mesure des difficultés rencontrées. L’approche séquentielle américaine s’oppose à l’approche japonaise, qui consiste à saisir le problème comme un système d’éléments interconnectés qu’il faut traiter dans son ensemble.
La négociation est d’abord une interaction entre personnes, il est important de trouver la tactique pour créer un lien. Dans certaines sociétés, les exigences en matière de politesse l’emportent sur celles d’exactitude, voire de vérité. Dans la culture nord-américaine certaines pratiques sont inacceptables. Le fait de ne pas se regarder dans les yeux par exemple. En Chine, un tel comportement n’est nullement négatif mais plutôt l’indication d’une attitude modeste et polie. Revenir sur des points antérieurement traités est une pratique courante en Chine. Elle n’est pas le fruit d’un calcul machiavélique mais seulement une conception différente de la négociation. L’accord n’est pas un aboutissement, mais un jalon dans un processus beaucoup plus long qui est l’ensemble des relations entre les parties.
La communication est un moyen essentiel au déroulement du processus de négociation. Elle devient largement un exercice de décryptage et de bonne interprétation des signaux perçus.
Comprendre la signification d’ un sourire japonais ou chinois présente un niveau considérable de difficulté, car il peut conduire à des conclusions radicalement opposées : un masque qui entretient la distance, un mur destiné à se protéger, un signe de joie ou de colère, de certitude ou d’ignorance, de confiance ou de méfiance, de satisfaction ou d’embarras.
Les rituels sont souvent considérés par les Occidentaux comme inutiles, ils sont en Chine le garant de la qualité de la relation. Accomplir convenablement les rituels, distingue le civilisé du barbare. Les actes rituels jalonnent parfois le processus de négociation : remise de cartes de visite à deux mains en s’inclinant et regardées avec attention par celui qui la reçoit, cadeaux de bienvenue, banquets incluant discours et toasts, règles à suivre dans les rencontres, formules de politesse, symboles visuels, cérémonie de signature de contrat.
La conception du temps influe sur le processus de négociation. Pour les occidentaux, le temps est perçu comme une ressource rare. En Orient, il est considéré comme une ressource quasi inépuisable, à l’image de l’air que l’on respire. Ainsi la pression du temps, les échéances n’auraient que peu d’effets sur le comportement du négociateur de cette partie du monde. Pour eux, le temps est essentiel pour établir le lien et la confiance. Il est gage et preuve d’intérêt. Au Moyen-Orient, la relation chaleureuse entre les personnes est très importante. Une relation presque amicale est essentielle. La convivialité sera indispensable avant même de commencer à négocier.
L’humour peut agir comme facilitateur dans la négociation. Il peut contribuer à la qualité de la relation mais il passe parfois difficilement d’une culture à l’autre. Ainsi, la différence entre l’ironie voltairienne et l’humour anglais n’est pas seulement de l’ordre de la nuance. Il s’agit de constructions intellectuelles d’une nature différente.
Dans certaines cultures, on ne signe un accord que lorsque l’on s’est entendu sur chaque détail et que ceci a été mis sur le papier de façon très precise. Dans d’autres, on se contentera de termes beaucoup plus vagues. Pour les occidentaux, un contrat doit comporter plusieurs centaines de pages, alors qu’une partie chinoise aurait volontiers recours à un simple formulaire à remplir d’une demi-douzaine de pages.
La négociation est influencée par les valeurs de l’organisation, de la profession, de la famille, de la religion. De plus, ces valeurs culturelles se conjuguent avec des variables de personnalité et des conduites stratégiques, il est alors essentiel de savoir s’adapter comme un caméléon le ferait.
“La négociation internationale est en soi une exploration dans l’interculturel. Toute trajectoire dans l’interculturel commence par la perte de ses propres repères.” Hall (1976). Heureusement, le processus long de la négociation offre de multiples occasions d’établir de nouveaux repères.
N’hésitez pas à partager vos observations et remarques sur ce sujet.